jeudi 2 mai 2013

Les musées aiment ils le public?
Carnets de route d'un visiteur,
Bernard Hennebert


ISBN 9782870035542 ? Prix : 18€, éditions www.couleurlivres.be

Présentation de l'éditeur

Pour son quatrième livre, l'auteur s'intéresse à nouveau aux droits des usagers, là où ils sont quasi inexistants: dans le monde muséal.
Il s'appuie sur ses visites menées depuis 25 ans dans les musées belges et étrangers. Il a également "testé" bien des expositions: Van Gogh à Amsterdam, Toulouse Lautrec à Paris, Magritte à Bruxelles, Giacometti à Seneffe, Bosch à Rotterdam, L'Art Déco à Londres, Chagall à Martigny ou Khalo à Bruxelles.

Le livre analyse comment divers musées sacrifient les droits de leurs visiteurs à la rentabilité: hausse importante des entrées, présentation incomplète de la tarification, gratuité supprimée, interdiction de photographier, oeuvres annoncées mais retirées, préventes obligatoires et de plus en plus hâtives.

Nombre de musées se commercialisent. Une démarche culturelle établie sur le long terme risque d'être perdante face à des évolutions qui visent surtout la quantité et l'événementiel.

Bernard Hennebert propose des alternatives réalistes. En priorité, rassembler les usagers intéressés pour cimenter un contre-pouvoir capable de neutraliser tant d'évolutions mercantiles qui appauvrissent le supplément d'âme censé caractériser la culture. Des avancées concrètes en ce sens existent, mais ne sont guère médiatisées. La dernière partie de ce livre s'y emploie.

Bernard Hasquenoph signe la préface. En animant son site www.louvrepourtous.fr, ce visiteur parisien mène ses actions revendicatives vis-à-vis du Louvre, du Château de Versailles ou du Musée d'Orsay.



L'auteur bruxellois Bernard Hennebert et le préfacier parisien Bernard Hasquenoph.
Quelques extraits du livre
Voici, extraits du livre, quelques déclarations de personnalités qui précisent les droits des visiteurs et les obligations des producteurs et des diffuseurs culturels:
"Un principe de droit exige qu'avant la conclusion de tout contrat, la partie "dominante" doive fournir à son futur cocontractant toutes les informations utiles à une prise de décision en connaissance de cause. Agir autrement enfreindrait la bonne foi. Les Cours et Tribunaux ont, depuis longtemps, en effet, reconnu l'existence d'une obligation générale de renseignements à charge des fabricants, vendeurs et prestataires de services professionnels". Charles Picqué (voir page 37)
Réflexion émise lors de la séance du "conseil communal" au cours de laquelle a été décidé que le Musée d'Ixelles pratiquerait la "gratuité du premier dimanche" avec mise en exergue d'une œuvre différente chaque mois: "L'avantage de cette demande est qu'elle est délimitée. Son coût sera compensé largement par le déploiement d'une information du public et par l'accroissement inévitable d'un intérêt pour les musées. Dans un temps rapproché, il faut amener tous les musées à pratiquer une politique identique". Roger Lallemand (voir page 107)
"Le rapport à l'usager est un véritable enjeu. Jusqu'à présent, l'autorité publique n'a pas pris en compte cette problématique de manière systématique et organisée.
Il y a là distorsion par rapport à une amplification des pratiques de loisirs par la collectivité". Henry Ingberg (voir page 137)
Le manque d'associations d'usagers culturels "est un problème très important à travers toute l'Europe. Le monde culturel donne l'impression de se défendre lui-même. On serait plus fort si l'on avait des associations qui nous soutenaient. Cela se ressent surtout pendant les moments de crise. C'est exact que le monde culturel n'a pas su s'organiser sur ce point de vue et c'est l'un de ses points faibles". Bernard Foccroulle (voir page 160)
Pour plus d’infos: bernard.hennebert@consoloisirs.be
Site officiel de Bernard Hennebert www.consoloisirs.be

Mon avis


Bernard Hennebert dans son ouvrage passionnant dénonce les dérives de la gestion des musées belges français, mondiaux et met en lumière les objectifs peu louables de leurs dirigeants : avoir une rentabilité maximale et atteindre la massification du public. Bien entendu tout cela au détriment des conditions de visite et en totale contradiction avec la notion de droit et de respect des visiteurs. Qui n’a pas un jour trouvé porte close à l’entrée d’un musée sans en avoir été informé au préalable ? Que dire de la tarification des visites, des horaires souvent mal signalés… ? Du temps d’attente inadmissible pour voir une exposition ?

De visiteur, l’usager passe au statut de consommateur dont la patience et le portefeuille sont constamment sollicités.
Par exemple "au château de Versailles, il n'y a plus d'usagers, il y a des clients alors que c'est un musée national, c'est un musée public et le terme qui est employé quand vous envoyez un mail pour demander quelque chose, est service client. C'est quand même sidérant de la part d'une structure publique et nationale" (B. Hasquenoph www.louvrepourtous.fr -Bruxelles 20/01/2011)

Les musées ne sont plus lieux de culture mais outils de propagande pour attirer le public et l’entasser dans des expositions « blockbusters ».

Le mécénat représente un financement non négligeable mais insuffisant, de fait les billets d’entrée deviennent l’outil idéal pour rentabiliser ces lieux de culture.

Les statistiques de fréquentation sont gonflées, les médias sont manipulés mais aussi parfois complaisants incapables de remettre en cause une exposition se contentant d’en faire la promotion.

Les spécialistes conservateurs sont écartés au profit de professionnels de la communication, des administrateurs à l’égo sur-dimensionné.

Le bilan dressé par l’auteur et son homologue parisien est édifiant : une hausse constante des dérives occasionnées par cette vision purement mercantile.

Ainsi dans son ouvrage « les musées aiment-ils le public ? », Bernard Hennebert établit une liste non exhaustive de judicieuses remarques et propositions pour améliorer les conditions d’accès et de visites des musées belges, priorité étant donnée aux moyens de communication et d’information.

L’auteur nous invite à le rejoindre dans une démarche participative. Chaque individu peut conduire à l’amélioration des conditions d’accès aux musées, « une démarche sociale dans un univers culturel » (p.10).

L’engagement de Bernard Hennebert a porté ses fruits. Ses connaissances ont largement été mises à profit dans la mise en place du Code de respect des usagers culturels en vigueur dans la communauté française de Belgique depuis 2006.

L’objectif de l’auteur bruxellois : favoriser la création d’un dialogue avec le public au sein de ce secteur malgré les difficultés récurrentes (barrage administratif, pas de réponses aux diverses sollicitation…).

Un simple citoyen doit pouvoir se faire entendre sans avoir à adhérer à une association ou à un parti politique.

"S'il y avait un public actif, réuni qui avait des revendications sur la voie publique, les ministres pourraient beaucoup mieux considérer, beaucoup mieux financer la politique culturelle (....) Ce bouquin appelle le public à agir et à prendre ses responsabilités et de demander aux hommes politiques de mieux respecter la culture et de mieux la financer..." (B. Hennebert - Bruxelles 20/01/2011)

« C’est la première fois que la Communauté française reconnaît explicitement des droits aux usagers et aux publics de la culture (…). L’idée n’est évidemment d’aucune manière de renforcer une marchandisation de la culture(…).
Déclaration de Fadila Laanan le 7 février 2006 en conférence de presse, aux Halles de Schaerbeek, lors de la présentation du Code (p.142)

L’idée de Bernard Hennebert est de protéger les usagers culturels (…) aussi bien que les acheteurs de produits de consommations » (p.142)

De simples solutions pourraient faire évoluer favorablement les conditions d’accès aux musées, comme celle qui ont heureusement pu être constatées au fil des ans : l’apposition à côté de l’œuvre le nom de son auteur et le titre du tableau. Évidente aujourd’hui, simple, efficace, mais cela n’a pas été toujours été le cas.

Certains musées mais encore trop peu donnent aux visiteurs toutes les informations sur l’exposition avant le passage des guichets.

Ce livre qui se laisse lire avec une facilité est d'une évidence déconcertante (même si jusqu'alors elle ne vous avait pas sauté aux yeux). Il pose la question "et maintenant que faisons-nous, nous usagers? Allons-nous continuer à accepter cette prise en otage, cette dérive mercantile qui nous est imposée au sein de nos musées? Ou au contraire allons-nous nous mobiliser, pour rendre l'art accessible à tous, place qu'il n'aurait jamais du quitter?" A chacun d'y réfléchir et de prendre ses responsabilités...

Liens utiles:
Pour plus d’infos:
Site officiel de Bernard Hennebert www.consoloisirs.be
Mail: bernard.hennebert@consoloisirs.be
Site officiel de Bernard Hasquenoph www.louvrepourtous.fr

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